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 Le droit d'accès aux fichiers informatiques
SAM Question Juridique - Dossier de août 2000
par
Jean Claude PATIN - http://www.juritel.com

a montée en puissance de l'internet alimente tout à la fois les craintes les plus sérieuses et les prévisions les plus folles.
Toute cette agitation autour de notre futur, de nos espérances et de la nouvelle civilisation de l'information rend les juristes fébriles dès lors qu'il s'agit d'accompagner un mouvement qu'on perçoit déjà comme inéluctable. Il faut dire que les nouvelles technologies sont surtout exploitées aujourd'hui par les grands groupes multinationaux et les grands états. On voit par exemple des services financiers travailler à l'échelle de la planète dans des ordres de grandeur qu'on ne croyait pas possible d'atteindre (voir les O.P.A. de l' année 1999), des fusions-acquisitions s'opérer dans le monde des télécommunications des quasi monopoles s'établir de fait dans le monde de l'information et de l'audiovisuelle (deux opérateurs majeurs se partagent le marché européen pour les accès télévisions payperview pour un total de 12 millions d'abonnés).

Les Etats quant à eux ne sont pas en reste. En France en particulier où les succès retentissant des forces de police s'appuient régulièrement sur des techniques de recherche impensables il y a seulement dix ans. Que l'on se souvienne de l'affaire " OM-Valenciennes " où un simple contrôle des fichiers de paiement dans un péage autoroutier permis de confondre un témoin qui prétendait venir en aide à un ami. L'interrogation de fichiers de connexion de téléphones portables chez les opérateurs à permis de dénouer l'assassinat du Préfet Erignac. Les très récentes affaires liées à la pédophilie ont été conclues par un " coup de filet " après que les forces de police aient suivi à la trace sur le réseau les échanges et consultations de matériels pédophiles.
Si tout ces faits sont de nature à nous rassurer sur l'efficacité des nouvelles technologies en matière financière ou en criminologie, il n'en reste pas moins qu'un malaise. La France et ses écoutes téléphoniques " élyséennes " illustre bien le côté janusien de notre époque. Aujourd'hui, il convient de favoriser l'essor des nouvelles technologies tout en respectant les droits essentiels de l'individu.

Un organisme existe en France pour veiller à l'utilisation des fichiers informatique. La Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés (C.N.I.L.) a été créée par la loi nº78-17 du 6 Janvier 1978. Déjà à cette époque certains s'étaient émus de ce que l'administration avait bâti un fichier informatisé qui portait un nom évocateur, " SAFARI ". Le but était de recouper toutes les informations figurant dans les fichiers administratifs portant sur les individus. Ce projet a officiellement été abandonné à l'époque et a permis de se doter d'un outil de protection de la liberté et de la vie privée.

La CNIL est donc le rempart contre les abus du " cybersysteme " qui tel le Big Brother d'Orwell veut tout voir, tout savoir et tout connaître. Comme nous l'avons évoqué précédemment, nous sommes déjà dans une société où le fichage et la constitution de profils est la règle.

Face à ce danger réel que constitue l'informatique mal maîtrisé, la CNIL dispose d'un outil législatif très performant. La loi nº78-17 du 6 Janvier 1978 propose une organisation très rationnelle de l'informatique. Evitant l'écueil d'une réglementation trop contraignante et donc mal acceptée, elle organise l'établissement et l'utilisation de fichiers informatiques. Ce droit est articulé avec celui du respect de la vie privée des individus figurant dans ces fichiers. Ambitieuse, la loi doit permettre aux nouvelles technologies de s'épanouir tout en bénéficiant aux individus.

Ainsi, il n'est pas interdit par principe de constituer un fichier, fût-il de papier, pour répertorier les noms, prénoms et adresse de ses clients. Mais pour exercer ce droit d'inventaire, l'article 16 de la loi du 6 Janvier 1978 impose une déclaration préalable à la CNIL. Organe hybride, à l'image des technologies qu'elle doit superviser, la CNIL devient le creuset où se fondent les libertés individuelles et collectives fondamentales avec les techniques les plus avancées.

Loin d'être réduite au rôle d'observateur, la CNIL ne se contente pas de recueillir des déclarations. Son rôle s'étend à la surveillance des méthodes de constitution de fichiers et à leur contenu. La CNIL surveille ainsi les fichiers qui attenteraient à la liberté individuelle en ne respectant les droits fondamentaux. Ces droits sont inventoriés dans la loi. Le plus remarquable d'entre eux, le droit d'accès (articles 34 et suivant de la loi), doit permettre à chacune des personnes figurant dans un fichier de vérifier les contenu des informations la concernant. Ainsi le législateur a entendu proposer un contrôle de légalité dans lequel chacun joue un rôle. Le système est assez souple pour faire face à l'enjeu de l'informatisation des données en ce qu'il ne donne pas l'illusion d'un contrôle totalement illusoire au profit d'un seul organisme.

Ainsi, la CNIL recueille-t-elle les informations concernant les méthodes de constitution de fichiers, les items retenus et la durée de conservation des informations. A chacun ensuite de profiter de ce cadre légal pour se protéger.
Le droit d'accès aux fichiers informatisés est ouvert à toute personne justifiant de son identité (art. 34 de la loi). Le Conseil d'Etat vient de rendre une décision illustrant une fois de plus le caractère presque sacré du droit d'accès. Une société ayant mis en œuvre un traitement informatisé d'information concernant les salariés d'une autre société avait refusé à ces salariés l'accès aux informations les concernant. Le motif évoqué, l'obligation de confidentialité, prenait sa source dans le contrat passé entre les deux sociétés. Les magistrats du Conseil d'Etat ont décidé de ne pas laisser ce type d'argument prospérer et ils ont reconnu la supériorité du principe de libre accès (CE 14 Juin 1999 nº197751 Sté TVF). Il faut rappeler que le fait de s'opposer à l'exercice du droit d'accès est passible d'une amende contraventionnelle de 10.000 F (Article 1er du Décret du 23 Décembre 1981).

La CNIL joue un rôle éminent dans l'exercice de ce droit bien qu'elle ne puisse pas ordonner au détenteur d'un fichier de respecter ce droit d'accès (CE 17 Janvier 1986 au Lebon T. p 535). Cependant, la CNIL peut adresser des avertissements, voire dénoncer au parquet les infractions dont elle a connaissance (article 21-4 de la loi de 1978). Il existe un équilibre magnifique entre le maintien des conditions légales, assumé par la CNIL, et le respect des conditions légales assumé par les individus. Le législateur a vraisemblablement eut une inspiration extraordinaire en rédigeant cette loi en 1978. Les fichiers informatiques et l'enjeu économiques qu'ils représentent doivent être constitués et exploités de façon aisée. La licéité du contenu de chaque fichier est présumé systématiquement. A charge pour le propriétaire et/ou l'exploitant du fichier de laisser à chacun le droit de contrôler cette licéité de contenu.

La CNIL, loin d'être un gendarme, veille simplement à la permanence de ces règles d'accès. Pour cette mission, la CNIL dispose notamment du pouvoir d'enquête et de vérification sur place (article 21-2 de la loi). Soucieuse du droit des personnes, la CNIL vient de rendre une délibération sur l'étendue de ses propres pouvoirs en garantissant le respect du contradictoire dans les affaires conduisant à un avertissement ou à une dénonciation au parquet (Délibération nº99-43 du 10 Février 1987).

On peut se réjouir du bicéphalisme du contrôle de la licéité informatique dans notre pays. Pour une fois modeste, le législateur de 1978 a entendu fixer des règles de droit et non proposer une morale bien vite dépassée. En choisissant de responsabiliser les individus, il a permis de donner toute sa force à une loi qui en vingt ans n'a pas pris une ride bien qu'étant passée de l'ère du millier d'informations traitées à la seconde à l'ère du milliard d'informations traitées à la seconde. En effet, à l'heure où la technologie du traitement des données explose, la CNIL et la loi de 1978 gardent tout leur intérêt et toute leur pertinence.

Jean-Claude Pantin
Juritel.com

 
 
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