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  Y a-t'il quelqu'un pour acheter mon site ?
(2ème partie)
 

Dossier de la semaine du 28 octobre au 3 novembre1998 par Philippe Monteiro da Rocha Consultant de marketing en ligne

lors comme ça vous seriez prêts à vous séparer de votre site web chéri ? Si c'est une question de prix, voilà les conditions que vous devrez remplir et une estimation des sommes auxquelles vous pourrez prétendre...

Après la publication de la première partie de "Y a t-il quelqu'un pour acheter mon site ?" la semaine passée, nous avons reçu une bonne centaine de messages nous invitant à visiter des sites (ah si on avait plus de temps !) et à en raconter davantage sur le "rachat" et la "vente" des sites Internet. Preuve que le sujet est bien brûlant !
Une précision d'abord en guise d'introduction, le prix d'un site à l'inverse de celui d'un vin n'a aucun rapport avec sa longévité en ligne.

Un site internet a t-il réellement une valeur marchande ?

Mettons nous à la place de l'acheteur éventuel de site tel que nous l'avons défini dans la première partie. Quelles peuvent donc être ses motivations alors qu'il fait une offre de rachat ?

D'abord le trafic en qualité ou en quantité, la présence de partenaires commerciaux ou publicitaires qui rendent l'affaire viable, la liste d'adresses email d'utilisateurs que le site a su développer avec le temps, le nom de domaine s'il est fameux ou facile à retenir, la "marque virtuelle" que le site symbolise, éventuellement le contenu lorsqu'il est abondant et très spécialisé ou difficile à égaler.

Et le design dans tout ça ? Quelle valeur cela peut-il bien représenter ? Si l'on considère qu'un développement graphique reste la propriété morale de son auteur et quand on sait que tous les sites majeurs changent de look tous les neuf mois, le design ne revêt pas une importance majeure dans l'estimation de la valeur marchande d'un site web. Un développeur-graphiste peut valoir très cher lorsqu'il planche sur un concept nouveau mais une fois en ligne, c'est comme si son oeuvre devenait publique.

Dans un sondage en ligne sur la qualité générale des sites internet mis en place par Eurobytes et Francité il y a deux mois, 50% des personnes interrogées avaient estimé qu'un site attirant 5.000 visiteurs par jour n'avait pas une valeur marchande supérieure à 150.000 francs.

C'est sans doute la preuve que la population en ligne manque encore de références concrètes et sérieuses. Car 5000 visiteurs par jour, cela fait environ 25.000 pages vues quotidiennement et 750.000 PAP (pages avec publicité) potentielles chaque mois. Une véritable machine de guerre pour communiquer sur le web...

Le pouvoir du trafic

Si l'on en croit ce sondage, avec le contrat d'une régie publicitaire en poche (qui reverse grosso-modo 100 francs par millier de bannières publicitaires imprimées) et une structure bien organisée, un site tel que celui-là serait donc intégralement remboursé en deux mois seulement. Belle affaire. Trop belle... Un site pareil se négocierait probablement entre professionnels aux environs du million de francs lourds. Pourquoi ? Parce que "trafic", ça signifie "pouvoir" en langue web.

Le trafic et la présence de partenaires publicitaires de grandes notoriétés sont deux critères de choix pour les économistes du monde virtuel. Ils ne signifient pas forcément grand chose sur un plan marketing (les marketers privilégient la qualité du trafic), mais ils viennent assurément en tête pour déterminer la valeur marchande d'un site. La logique commerciale est la même que celle qui établit qu'un emplacement de vente dans un centre commercial n'a pas la même valeur locative qu'un fonds de commerce dans une rue déserte.

La présence d'un flot continu et régulier de visiteurs si elle n'est pas une garantie de succès, constitue néanmoins un solide "booster" pour une compagnie désireuse de communiquer sur le web.

On l'a vu il y a quelques semaines, le push marketing via email est une stratégie qui gagne du terrain sur Internet. Il n'est pas loin le temps où l'on "louera" à l'avance des listes d'adresses (les propriétaires ayant préalablement accepté de recevoir des messages commerciaux) pour lancer sa promotion. Pour tout vous dire, ça existe déjà même si netiquement parlant, c'est souvent discutable.

On comprend dès lors toute la valeur qu'on accorde aux adresses email qu'un site bien maintenu ou publiant une lettre d'information est en mesure de constituer. Cette liste d'adresses, qu'on peut apparenter aux prémices d'une communauté virtuelle d'utilisateurs, constitue la garantie que le site est bien vivant et activement soutenu. C'est aussi un indice substantiel qu'il est en mesure de générer des revenus (publicitaires) à défaut de profits. Ca rapporte donc pas mal de points lors d'une estimation.

Les coûts de maintenance et de production de contenu (dans le cas fréquent où un webmestre vend son site tout en continuant à l'administrer au quotidien) sont, on le comprend aussi, primordiaux dans l'estimation de la valeur d'un site.

Il est clair qu'un site aussi populaire que Rigoler.com et sa liste de 12.000 abonnés, valent plus cher à l'achat qu'un site d'actualités qui disposerait d'un trafic comparable mais exigerait beaucoup plus de frais d'exploitation, d'efforts de maintenance et de productions éditoriales. La simplicité, finalement, ça paie sur le web.

Et combien ça vaut un site ? Des exemples de prix...

Avec SAM, nous avons pour lors réalisé une vingtaine d'audits de sites avec, à chaque fois, une estimation de sa valeur marchande dans le contexte actuel du cyberespace. Combien valent donc nos sites francophones ? Dans la majorité des cas et ce ne fut pas la moindre de nos surprises, nos clients sous-estimaient la valeur financière de leurs efforts en ligne.

Ainsi, près de 50% des sites professionnels étudiés ont été évalués entre 90 et 140 000 francs; il s'agissait de sites d'art et culture, de gastronomie, de tourisme et même un site de vente en ligne avec paiement sécurisé. Ils ne bénéficiaient évidemment pas d'un trafic considérable mais étaient en général très bien maintenus.

Ils acceptaient en outre la publicité, bénéficiaient d'un volume d'archives important (contenu spécialisé de qualité) ou avaient su mettre en place des listes d'adresses email qui coïncidaient avec cette nécessité absolue pour les administrateurs d'un site de développer une communauté d'utilisateurs fidèles.

Deux sites d'une autre nature, un service d'email gratuit et un journal d'informations en ligne ont fait l'objet d'estimations beaucoup plus élevées, au delà de 700 000 francs. Mais ils pouvaient justifier d'un trafic assez important et avaient déjà tous deux des contrats publicitaires avec des régies pour l'année 1999.

Quant aux autres, des sites professionnels sans valeur ajoutée particulière, ni nom de domaine porteur, ni qualité de trafic évidente, les prix oscillaient selon la qualité de présentation et de maintenance, entre 20.000 et 60.000 francs (parfois même moins cher que le prix auquel le site avait été acheté à l'origine). Il faut le savoir aussi, certains sites qui manquent de soutien ou de public, perdent de la valeur sur Internet.

Aujourd'hui et, avant que le marché du site d'occasion ne s'éveille véritablement sur le web francophone, tout site maintenu par des professionnels a une valeur marchande. Celle ci dépend en grande partie du nombre de visiteurs qu'on parvient à attirer sur le site mais pas uniquement.

Par ailleurs, si votre site ne vous apparaît pas être le candidat idéal pour le rachat, nous couvrirons la semaine prochaine une autre question liée au financement des présences virtuelles; le sponsoring sur le web... Cela existe t-il vraiment ?

Philippe Monteiro da Rocha

 
 
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